Future impact I
Du 9 au 24 septembre 2022
Future impact II
Du 8 au 22 octobre 2022
À l’occasion de leur exposition personnelle à la galerie Les Filles du Calvaire, les Bells Angels présentent une nouvelle série de peintures intitulée Crowd Processing Paintings. Ce titre aux accents prédictifs joue aussi bien sur l’impact algorithmique des images de foule que sur une histoire des techniques de reproduction. Il rappelle en effet celui d’articles scientifiques visant à développer de nouveaux algorithmes capables de traquer l’individu dans une image de foule et d’anticiper ses mouvements, son comportement.
C’est précisément de foules et de flux dont il est question dans la série : migrants tentant de traverser la frontière américaine au Mexique, soulèvements en Biélorussie, ou encore de manière plus métaphorique foule d’objets très identifiés flottant sur un fond apocalyptique.
Ces peintures processuelles prennent le plus souvent pour point de départ des images de foules diffusées sur internet par des agences de presse. Ces images qui se répètent au gré de l’actualité s’imposent sur nos écrans et finissent par revêtir un caractère générique : prises à distance et en plongée ces nuées humaines se meuvent d’une catastrophe à une autre. Les artistes évoquent d’ailleurs un « darwinisme des images » pour décrire ce déterminisme algorithmique.
Dans ces peintures noir, blanc et chrome, l’absence de couleur renforce leur caractère matriciel. Les images extraites d’un flux font alors l’objet de nombreuses manipulations analogiques et digitales renvoyant à une archéologie de l’image : du recadrage de l’image à la sérigraphie, du geste à sa reproduction, les images subissent de nombreuses distorsions. Les masses sont parfois ravalées à un ensemble de points. Par ailleurs, des signes empruntés au tracking se superposent aux trames photomécaniques. Ils contaminent l’image et rejouent à la surface de l’image, les dérèglements économiques, identitaires et écologiques à l’œuvre dans le contenu des images. Ils viennent augmenter la petite histoire de la reproductibilité à l’ère sérigraphique, amorcée par Warhol et Polke et poursuivie par les pratiques appropriationistes de la Pictures Generation, à l’aune de l’imagerie numérique et de la science algorithmique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la série des Bells Angels intègre la reprise d’une foule de Warhol (1963).
Chez les Bells Angels, l’appropriation d’images se double de l’appropriation d’objets qui peuplent certaines toiles. Des médailles iconiques de la culture populaire et publicitaire jusque dans les années 1990 apparaissent à la surface de la toile. Ces objets tombés en désuétude qui tapissent nos fonds de poche évoquent l’identité et renvoient à leur tour aux foules. Ces traces de l’activité humaine viennent parasiter le paysage sous tension.
Ainsi, les toiles aux surfaces chromes miroitantes reflètent leur environnement et alternent des foules, des paysages déserts potentiels lieux de passage tout droit sortis d’un récit de science-fiction et des peintures cinétiques plus abstraites où un vortex semble nous happer irrémédiablement.
Audrey Illouz