Dans le cadre du Festival Circulation(s), la galerie Les filles du calvaire a invité Laurent Lacotte à investir la vitrine sur rue. Il y condense en trois photographies les figures qui marquent son imaginaire.
Trois piliers structurent l’exposition : l’espace connaît là une architecture triangulaire - ainsi se délimite pour Plutarque tout nouveau sanctuaire, par une forme géométrique témoignant de la stabilité, de la cohésion et de l’harmonie du lien divin. C’est pourtant à une exploration humaine, trop humaine même, qu’ouvre Laurent Lacotte, car les figures convoquées ici s’apparentent toutes à des situations de pertes, de sorties de route, de déraillements.
La plus urgente et la plus actuelle nous fixe depuis l’autre rive de la Méditerranée. A Nice, lors d’une visite exploratoire préalable à l’exposition Go Canny! à la Villa Arson, l’artiste repère sur la Promenade des Anglais une solitaire reproduction de la Statue de la liberté scrutant l’horizon brumeux. La drapant d’une couverture de survie, il souligne d’un or chiffonné la faiblesse actuelle de cette gardienne, qui a fini par adopter, selon un inquiétant mimétisme, les oripeaux de celles et ceux qui tentent de fuir au-delà des mers. Phare peinant à dissiper le brouillard d’un monde en pleine détresse, GUARD se
signale aussi bien au début d’une histoire des migrations qu’à la fin d’une logique européenne ne parvenant plus à rallumer son flambeau.
De cette nuit tombante, qu’aucune chouette apparemment ne traverse, semble émerger un panonceau indiquant une petite localité: LA FRANCE.
L’image frappe par sa proximité avec la grande tradition des films de suspense, ceux de Hitchcock ou de Georges Franju : dans l’épaisseur des ténèbres, les phares ne découpent qu’à l’aveugle un chemin de campagne, enfin un mot apparaît, l’indication de se retrouver enfin quelque part, en lieu sûr. Sentiment illusoire : on connaît la suite de l’histoire, puisqu’elle se reproduit à chaque fois, qu’à chaque fois le refuge n’abrite de rien, qu’au contraire s’y déroule la sordide mésaventure de héros désintégrés. Voilà, la France.