Paola De Pietri met ici en évidence les phénomènes optiques de la nature à travers la saisie, simple et d’une justesse presque déroutante, de petits phénomènes telles perceptions brumeuses, dérives de feuilles fossilisées par le gel, fontes de neige sur matière volcanique ; l’ensemble de l’exposition formant des plages de couleur, oserions-nous dire, au naturel...
A la suite des premières présentations remarquées du travail de Paola De Pietri en France, dans le cadre d‘expositions collectives comme celles de Cosa mentale, Paysage(s)ou encore Le nouveau paysage italien à la Fondation Electra en 2000, la galerie Les filles du calvaire consacre à l’artiste une première exposition personnelle avec la série présentée à Spazio Aperto, qu’elle propose à la suite de celle de la Galerie d’Art moderne de Bologne. Cette exposition fait écho à celle du Palais Jacques Cœur à Bourgesqui illustre la commande qu’elle a réalisée pour Images au Centre cette année.
Née en 1960 à Reggio Emilia, Paola de Pietri apparaît aujourd’hui comme une figure majeure dans le panorama de la photographie italienne. Outre ses collaborations à la Biennale de Venise et à la Tuscia Electa, elle a obtenu une reconnaissance internationale en réalisant en 2000 deux commandes qu’elle a reçues dans le cadre de la mission photographique Linea di Confine per la Fotografia Contemporanea de la province de Reggio Emilia, et à laquelle elle a collaboré aux côtés de Walter Niedermayr, Luis Baltz... Ces missions ont fait suite à la convention européenne sur le paysage, qui a donné lieu à 6 missions photographiques, à l’instar de la Datar en France.
Cette photographe a sans doute été sélectionnée pour la pureté de ses compositions, qui, loin du bucolique ou du tout pittoresque, épousent un style correspondant à cette volonté affichée de la convention européenne de « créer de nouvelles représentations du territoire pour saisir un moment singulier de son évolution»; volonté qui s’ancre dans la conviction que le paysage n’est pas une réalité objective, mais est subséquent à une représentation culturelle particulière. Dans le cas de Paola De Pietri, c’est indéniable : ses images présentent des caractéristiques incontournables que l’on retrouve à travers ses différentes séries.
Ainsi, on remarque de prime abord l’importance de la dimension temporelle dans son travail, comme par exemple dans sa série, réalisée en 2000, où apparaissent, sur des portions de paysage relativement intemporelles et « banales » (herbe, vue de chemin ou de pièce d’eau...), des chiffres qui relient les paysages à une soi-disant position méridienne particulière et à un soi- disant temps donné ; l’ensemble dégage ainsi une fausse idée du spécifique pour renvoyer à la problématique et dialectique notion d’intemporalité du paysage. Dans la série 19988, exposée sous le titre Dittici, ses diptyques posent l’avancée de personnages dans l’espace par la juxtaposition de deux prises de vue, dans un intervalle de temps restreint, et selon des points de vue légèrement décalés, provoquant ainsi ce que Nathalie Leleu nomme « des chambres d’écho entre un lieu et les êtres qui le traversent ». La beauté de ses images est accentuée par le choix architectural – villes de la Renaissance italienne- et le cadrage dont l’épure est renforcée par la limpidité de la lumière quasiment blanche.