" Si la mise en abîme opère souvent dans les photographies de l’artiste, elle se manifeste toutefois par un mouvement particulier, dont les moyens et l’enjeu sont de mettre à mal les conventions et les réflexes d’adhésion qui ont généralement lieu dans nos sociétés à propos de l’image."
L’œuvre de Paul Pouvreau développe des images construites au moyen du langage photographique utilisant des éléments constitutifs récurrents. Depuis le début des années quatre-vingt, il met en scène des objets-éléments dits « banal» par exemple : poussière, ustensiles ménagers, cartons et plus récemment sacs plastiques.
Parallèlement à ces éléments, une figure humaine est apparue dans son travail dans les années quatre-vingt dix. Un homme, une figure, un personnage, peut-être l’artiste, au visage toujours imperceptible est mis en situation. Cette apparition est traitée au même titre que les objets : de manière anonyme, archétypale. Ce qui intéresse l’artiste, c’est la capacité de l’image à déployer le visible sans se résoudre à l’univocité du sens. Ainsi les cartons ou sacs plastiques, qu’il utilise, portent des logos ou des dessins dont le référent renvoie par analogie à un autre sujet. Ces objets, dont la fonction est de recevoir, de contenir d’autres objets, évoquent, au-delà de leur contenant, systématiquement une autre réalité. Celle-ci apparaît alors dans l’image sous la forme d’un signe, tel un carton sur lequel est imprimé le dessin d’un verre ou bien des sacs plastiques où sont reproduites des fleurs médicinales...
Le référent photographique de ses compositions n’est pas uniquement celui du réel mais puise également au registre des images et notamment à celui de l’Histoire de l’Art. Ainsi les sacs en plastiques aux fleurs médicinales sont agencés en écho à la peinture de genre et au bouquet des primitifs flamands. En réarticulant les principes de compositions plastiques de l’image, Paul Pouvreau joue également de la dialectique réel/réalité. Il renvoie dos à dos symbolique et sujet, en composant, par exemple, un mur de cartons neutres, en y incorporant un carton avec un dessin de bureau -cette composition se réfère tout autant à l’élément mobilier qu’à la symbolique sociale d’un immeuble de bureau.
Si la mise en abîme opère souvent dans les photographies de l’artiste, elle se manifeste toutefois par un mouvement particulier, dont les moyens et l’enjeu sont de mettre à mal les conventions et les réflexes d’adhésion qui ont généralement lieu dans nos sociétés à propos de l’image. Ce pouvoir de croyance et d’illusion attaché à celle-ci se trouve ici toujours confronté au versant matériel et existentiel de ce qui la constitue, la construit et la véhicule.
L’artiste poursuit le développement de ces idées en réalisant ces dernières années des installations dans l’espace de présentation rejouant les principes constructifs de ses photographies.
Ainsi à travers son œuvre, Paul Pouvreau, pose comme préalable un doute quant au champ de la représentation. Une posture qui lui est nécessaire afin de questionner notre relation au champ photographique et à celui des images pour y voir ou y entrevoir ce qui résiste du réel ou au « simulacre » de l’image.