"J’ai grandi dans une ferme au cœur des collines du Vermont rural, toujours dans l’attente de ses étés. J’aimais la chaleur intense après une pluie battante, lorsque le bourdonnement des abeilles, le vrombissement des insectes et le gazouillis des oiseaux formaient une constante harmonie."
Les filles du calvaire ont le plaisir d’annoncer Pollen Song, la première exposition personnelle de l’artiste américain Ethan Murrow à la galerie. Dessinateur virtuose, il campe sur papier des récits théâtraux et insolites en exploitant les changements d’échelle pour créer des perspectives saisissantes. Détaillées et surprenantes, ses œuvres mettent en scène des personnages hybrides, mi humain mi végétal dont les attitudes mêlent aventure, dérision, plaisir et parfois défaite.
Pour cette exposition l’artiste a produit un ensemble d’œuvres exceptionnelles qui invitent à une méditation sur la nature. En noir et blanc ou en couleurs, elles se déploient in situ jusque dans une grande composition sur les murs de la galerie. C’est en plongeant, comme ses personnages, dans ses souvenirs d’enfance à la ferme de ses parents dans le Vermont rural que l’artiste a composé ses dessins, si proche de la nature que le personnage incorpore. Elle y est abondante, foisonnante, et les personnages tentent de l’appréhender par la technique, la patience ou la ruse. Leurs efforts, probablement vains, sont autant de témoignages de leur engagement optimiste.
« J’ai grandi dans une ferme au cœur des collines du Vermont rural, toujours dans l’attente de ses étés. J’aimais la chaleur intense après une pluie battante, lorsque le bourdonnement des abeilles, le vrombissement des insectes et le gazouillis des oiseaux formaient une constante harmonie.
Ces sons étaient très attrayants car ils prédisaient un cadeau venant du jardin. Je l’admets, j’ai peut-être écouté ces bruits pendant les siestes en évitant les demandes de ma mère de désherber son magnifique et vaste potager. Maintenant, je vois à quel point j’ai eu de la chance de grandir dans un endroit et dans une famille qui a tant investi dans la terre, que ce soit l’exploitation forestière, l’élevage ou la culture de fruits et légumes. Ma vie urbaine m’amène désormais à observer ces souvenirs avec une douce lucidité et nostalgie. Je reconnais que nous sommes dans une lutte collective urgente pour s’associer à la nature, la préserver, entretenir et soigner la terre qui nous donne tant.
Ces dessins naissent du désir et de la perte d’un passé écologique mythique. A la ferme, j’ai rapidement appris, en essayant et en faisant des erreurs, que toutes récoltes impliquent bien plus que la vision romantique de mon enfance. Il est question de lutte, de travail acharné, de passion, de chance, d’innovation, de persévérance et de privilège.
Les personnages de ces dessins sont en pleine lutte, tentant d’appréhender leur relation avec la terre. Ils s’engagent dans des tâches parfois absurdes et épiques, à la recherche d’ingrédients rares dans le ciel, veillant sur des abeilles au-dessus d’une vallée, exhortant les nuages à pleuvoir et escaladant des échelles vers des jardins imaginaires et des Edens qui n’existent que dans leur esprit. J’envisage souvent mes récits comme des autoportraits et ces œuvres n’y échappe pas, je suis ici le protagoniste, celui qui rêve d’un panier débordant de fruits et qui sans doute a manqué les panneaux de circulation devant lui. L’optimiste en moi considère ces personnes comme essentielles, bien qu’elles puissent parfois être mal informées. Chacun d’eux croit tellement en leurs objectifs que j’aime croire qu’ils pourraient bien faire descendre du ciel une pluie apaisante. Si nous nous baissions tous vers le sol, reniflions et écoutions, nous irions probablement mieux. Les humains dans mes dessins veulent tout essayer, croire en la magie, parler aux abeilles, chanter une berceuse à une plante qui a besoin de nutriments et rire de joie quand une baie est bien juteuse. J’admire l’enthousiasme et le plaisir de leurs activités dans le monde naturel. Peut-être, cet enthousiasme vertigineux pour tout ce qui contribue aux cycles de la vie déteindra sur moi et les autres, peut-être nous aidera-t-il aussi à collaborer avec la terre. »