L’imagerie très particulière d’Ellen Kooi a plusieurs origines. Tout d’abord, sa prédilection pour la mise en scène est sans doute issue du théâtre, milieu dans lequel elle a débuté son travail de photographe. Elle s’en inspire à l’évidence dans ses compositions et préfigure d’ailleurs celles-ci par des croquis, et, tel un metteur en scène, utilise ses modèles comme des acteurs. Le spectateur est souvent confronté à des personnages dans des positions/actions incongrues qu’elle implante dans un milieu urbain ou dans des paysages hallucinants, telles six femmes pêchant en arc de cercle sur un quai du bout du monde (Amersfoort – Visvrouwen, 1998) ou bien une femme appelant un interlocuteur improbable devant une bouche d’égout (Haarlem – het putje, 1999).
Par ces mises en situations quelques peu extravagantes, on peut également rattacher son travail à l’univers surréaliste. Ce penchant pour l’absurde et l’humour fait écho aux travaux de nombreux artistes hollandais tels ceux, par exemple, de Teun Hocks, qui se situe en droite ligne de ce courant. On relève parallèlement, dans son œuvre, d’autres caractéristiques de la photographie néerlandaise contemporaine. Ainsi, ses images, mélange de réalité et de symbolisme, dont l’unicité des compositions est achevée en explorant les possibilités du numérique, sont certainement liées au goût pour une photographie manipulée que l’on retrouve chez de nombreux plasticiens hollandais. Ces artistes, amoureux de l’étrange, tels que Inez van Lamsweerde, se font remarquer depuis quelques années par des manipulations oserions-nous dire plus « génétiques » que simplement numériques de l’image.