Il n’y a pas lieu de comparer le travail de Laura Henno à d’autres photographes car son art se situe plutôt entre la peinture et le cinéma. De ces premiers portraits qui ont bénéficié de l’influence de Vermeer et de la tradition picturale de l’Ecole du Nord, on gardera à l’esprit une douceur élégante discrètement rompue par le sujet lui–même, sa quotidienneté, et la tension dramatique que l’artiste impose au moment de la prise de vue à ces figures adolescentes.
De fait, dès ses débuts, elle a agi à l’instar d’un metteur en scène en invitant des modèles à incarner des personnages qui les éloignaient d’eux-mêmes. Au départ, il lui était même impératif de ne pas trop les connaître pour parvenir à réaliser ses étranges scénarios photographiques. Au fil des années, l’artiste s’est rapprochée de ses modèles tant et si bien qu’elle a fini par se lier à l’une d’entre elle, réalisant un ensemble de portraits qui traverse son adolescence.
Ces dernières années, elle s’est impliquée avec eux, et est partie de leur propre histoire pour les transfigurer par une forme d’héroïsme photographique. Les images réalisées à Dunkerque dans un centre médico- psychologique pour adolescents sont des portraits d’une humanité troublante. La jeune fille engloutie dans sa couverture rose (On hold) acquiert la même sensibilité qu’une image de ses débuts (Rainy silence) qui figure une enfant piégée dans un effroi matinal et dont le regard bleu acier vous transperce de son incertitude. De la même façon, ils captivent mais à cela s’ajoute dans On holdune authenticité qui affleure dans un subtil déséquilibre entre l’esthétique de l’image et la réalité du drame qui habite le sujet.